La Méthode Directe

Une aquarelle agréable ne devrait pas apparaitre comme laborieuse et trop travaillée. C’est souvent le défi de ceux qui débutent dans l’aquarelle tout comme dans les autres formes de peinture et de dessin. Une aquarelle trop travaillée agace par des transitions abruptes entre les couleurs, des détails superflus et des transitions qui manquent de souplesse. Le résultat est décevant, non pas parce qu’il a une précision photographique, mais plutôt parce qu’il laisse entrevoir un manque d’expérience et un manque d’assurance. Plusieurs auteurs insistent sur la nécessité de corriger ce défaut, mais peu sont en mesure d’expliquer comment on peut éliminer le problème. L’idée maitresse ici, c’est de retrouver un équilibre entre l’écoulement naturel du tableau et la continuité dans l’ensemble.

Pour ceux qui sont à la recherche d’un style plus dégagé, il devient nécessaire de développer les habiletés à atténuer les contours et à assouplir les lignes. Les aquarelles sont plus souples lorsqu’elles nous présentent un ensemble d’éléments distincts, des formes relativement simples et un ensemble qui se tient lorsque vu à distance. L’équilibre demeure pour l’observateur une perception du réalisme du tableau. Si on considérait l’aquarelle en sections distinctes de 10x10cm, il est probable que le tableau serait difficile à reconstituer. Vous pouvez faire l’exercice avec une reproduction sur papier. Découpez là en carrés de 5 à 10 cm de côté, mélangez-les et maintenant analysez les individuellement. Ils vous apparaîtront, individuellement, comme des tableaux abstraits.

Si le tableau est bien dégagé, les formes et les marques seront intéressantes, les lavis seront clairs, les effets d’eau auront leur cachet. Mais l’ensemble n’aura qu’un réalisme très limité et peut-être incompréhensible.

Approche directe

Une manière de développer un style plus dégagé consiste à peindre avec un minimum d'esquisse et à dessiner les formes sur le papier avec le pinceau et la couleur. C’est ce qu’on appelle l’approche directe. La fonction de l'esquisse est de situer dans la feuille l’emplacement des principales formes et donc de respecter certaines proportions et l’essentiel de l’agencement des formes. Par la suite la technique consiste à rechercher à appliquer et à mélanger la couleur sur le papier de manière à obtenir la tonalité appropriée du premier coup.

En utilisant ce procédé, les lavis demeurent intouchés donc transparents et frais. Les formes sont forgées sur le papier et leur contour est net et plus propre. Dans cette technique, il est essentiel de chercher à éviter les superpositions de couleurs transparentes. Chaque marque sur le papier devrait être visible dans le résultat final.

La découverte des formes

Pour que l’approche directe fonctionne, il est essentiel de penser en termes d’objets et de formes. Chaque élément doit avoir une forme, que ce soit un pli du vêtement, une ombre ou un espace entre deux objets. En décomposant l’ensemble en une mosaïque de formes, on fait abstraction des petits détails. C’est pourquoi plusieurs auteurs vont parler d’une toile comme d’un agencement de formes et de leur tonalité.

Pour mieux décerner les formes, il est facile de cligner des yeux ou de fermer légèrement les paupières de manière à brouiller la scène et les objets. Les objets ne sont pas déformés, mais les détails s’estompent laissant entrevoir leur forme générale, l’alternance des couleurs et leur tonalité. Cette technique permet de mieux juger des transitions du foncé au clair et d’une couleur à l’autre sans s’arrêter sur le détail d’un point de couleur plus vive.

On peut aussi reproduire cette impression sous forme d'étude tonale ou de croquis tonal. Être en mesure de reproduire le niveau de détail que l’on perçoit les yeux demi-fermés devrait être le résultat recherché.

Bloquer les formes foncées

Certains aquarellistes travaillent du pâle vers le foncé, appliquant d’abord le ciel et les lavis de fond pour ensuite passer aux tons moyens et achever les détails plus foncés. Pour ceux qui ont une tendance à sur-travailler leur finition, cette séquence est souvent partie du problème. En renversant la séquence, il est plus facile de réserver le blanc du papier et d’établir plus rapidement les formes les plus intéressantes. De plus, il peut être plus facile de juger correctement les tonalités pâles lorsqu’elle viennent en fin d’opération quand on les compare aux formes foncées que lorsqu’on les compare au blanc du papier. Un lavis trop pâle au début nécessite un deuxième lavis… et c’est souvent la source du désastre.

Il est plus facile de bloquer les formes de tonalités foncées très tôt dans la réalisation de l’aquarelle lorsque les contrastes sont prononcés. Lorsque les sujets sont en contre-jour ou la lumière est intense et illumine des couleurs plus vives et bien distinctes. Le papier donne rapidement l’effet de la lumière et l’objet prend forme plus rapidement. On ressent alors moins le besoin de souligner la texture et l’effort se porte sur les transitions dans les tonalités et l’alternance des couleurs.
Le choix des couleurs foncées prend ici une importance capitale. L’application de couleurs complémentaires crée des gris et des bruns atténués. Il faut rechercher à maintenir la fraicheur des couleurs en recherchant les effets d’alternance de couleur chaude et froide dans les zones d’ombres.

Éliminer la boue

Plusieurs aquarellistes prennent plus de temps à choisir la couleur foncée de départ et par la suite vont continuer à lier leur point de départ en ajoutant continuellement des transitions en mouillé-sur-mouillé vers les autres couleurs foncées. Ceci assure une transition douce entre les couleurs car le mélange des couleurs se fait sur papier. Il devient difficile de mélanger trois couleurs ensemble, et donc de créer de la boue. Au contraire, les transitions deviennent des teintes de gris et de bruns plus légers.

La boue est le résultat du mélange de trois couleurs dont une n’est pas une couleur primaire. Ceci se produit lorsqu’on mélange les couleurs sur la palette, mais aussi lorsqu’on applique une couche d’un mélange sur une autre couleur déjà sur le papier. C’est le cas lorsqu’on applique la peinture trop lentement et surtout sur des formes déjà séchées.

En appliquant les teintes foncées à des formes adjacentes, on concentre son attention sur les formes et sur celles qui sont de la même tonalité. Une ombre devient la continuation d’un objet avec un changement à peine perceptible de tonalité. Ce lien organique entre l’ombre et l’objet est essentiel pour éviter de briser l’ombre et de la faire apparaitre comme un appendice artificiel ajouté pour donner du réalisme à la scène.

Une autre manière de travailler

L’aquarelle classique privilégie une approche plus systématique qui consiste à appliquer des couches successives de couleur transparente. Ceci demande une plus planification plus soignée. La méthode directe est plus spontanée et plus ludique. Elle consiste à suivre le déroulement des formes foncées et l’ajout des tonalités intermédiaires et pâles servent à mouler les formes et leur donner la profondeur. Il est plus facile de préserver le blanc du papier et d’obtenir des contrastes prononcés. Il est toujours possible d’appliquer une couche de lavis pâle pour rehausser une partie du tableau, mais il est aussi plus facile de maintenir la vivacité des couleurs.

En travaillant à l’extérieur, on découvre rapidement que le soleil brillant élimine la couleur et la texture. Pour créer un sens de la lumière vive, il faut parfois rechercher le même résultat, n’appliquer que la couleur en taches alternantes et en masses intéressantes.

References: Winkle, Jake: "Abstract Relalism", The Artist, december 2008 pp 47-50

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